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mercredi 28 mai 2014

Une silhouette à la chaux

 Une silhouette à la chaux émergea de partout. Sur les écrans télé, dans les vitrines et les verres d'eau, sur les fenêtres, aux miroirs, dans les rétroviseurs et même dans les ampoules, ce fut Herr Delasorte en pixels et en cap qui souriait dans le visible comme un grand pape en noir au fond d'un sémaphore. Sur les quatre faces livides du Building-Delasorte une éclipse voila le verre pendant quelques secondes, puis des centaines de projecteurs dispersés dans la ville s'allumèrent en synchro dans un pollen de flash pour mitrailler aux fenêtres son image en essaim ; point par point jusqu'au ciel il surgit en mille blocs d'un kilomètre et demi, campé sur la Cité comme un Saint-George colosse pantocrate et bâtard, les couilles hautes comme le ciel, les jambes à peine arquées comme pour pisser sur toute la vie. Il était vif et verre, c'était un gisant debout, une mort mobile faite image fixe ; enquillées sur deux cuisses de lin pâle à croisées, ses aines filaient en V à cinq-cent mètres du sol et son torse bien fileté s'affûtait quatre fois, opalescent et raide dans ses revers diaphanes, les bras collés aux hanches cintrés droit dans leur veste et surmontant son cou comme de la chaux dressée, son menton fondait gris dans la strate nuageuse. Sa face n'était qu'un gros coton et il restait son sourire seul, dessous, à fleur de rien, qui tranchait dans les blancs et suçait le bleu du ciel. 



lundi 19 mai 2014

Midi chuta la ville

C'est un grand jour sans reste sur la mer de Beaufort et il n'existe plus sur le velours d'Harad. Trente-cinq degrés celsius lèchent l'aube à Tarawa tandis qu'à Keflavik c'est le pays entier qui s'enfonce en soufflant dans une nuit plumeuse. Peu de lumière à errer, Kaiteng est à mi-jour et Cuenca l'achève. Où brûle l'axe du monde ? Partout où l'on déserte. Il y eut un matin et il y eut un matin. Midi sonna dans un beffroi arctique et il n'y eut pas midi. 
Douze coups frappés sur l'apogée du jour et la lumière, branlante, trouée par les regards qui ne l'officiaient pas. Tout s'arrêta dans la Cité d'Abject et le peuple de Connardie sortit lécher ses fers par l'entremise du ciel. Les écrans grésillèrent et les radios firent pffff, ce fut un brasillement de nerfs et d'yeux trop cuits. On se cala dans les bars les bureaux les salles d'armes, agglutinés en meute face aux écrans télé ou on sortit en masse sur les places de la ville, les vieux se frayant au coude une place au premier rang, les gniardelets juchés sur l'épaule des papas pendant que des jeunes zazous grimpaient aux réverbères pour admirer en cap, plus que grandeur nature, l'apparition sans borne du grand Herr de Réel. Le Gratte-Ciel Delasorte crépita au soleil et ses milliers de fenêtres se muèrent en écrans plats jouxtés par les nuages. Le logo d'un sourire effilé comme deux faux apparut sur le verre et les cristaux liquides, Midi chuta la ville et ne la quitta plus. Ca commençait. 


samedi 17 mai 2014

Le réel est en rut

On s'activait la couenne en prévision de midi et les cœurs s'emballaient comme des chiens d'hallali. L'annonce de l'oraison avait pété dans la Cité façon bombe à napalm et elle soufflait maintenant comme un orage en biais sur toutes les bouches ouvertes -Herr Delasorte ! Herr Delasorte vient nous chanter ! L'Abjection attisait l'attente et la nouvelle tournait viralement dans les rues, mein Herr mein Herr mein sehr Reel von R le béton palpitait d'échos et les immeubles grouillaient d'un affairement de fourmilière en guerre. Coup de pression ! Le sang monte aux horloges ! Aiguilles au cul du crâne, tachycardies d'oiseaux dans les poitrines civiles ! Dans toutes les directions les salles de conf et les écoles c'était à longues rafales des invectives braillées à la gueule des péons et les ordres giclaient drus comme des glaviots dans un sanatorium -on dépêchait des types pour prévenir d'autres types, les estafettes couraient dans les couloirs en se déboîtant les hanches et dans les arrière-salles les secrétaires tapaient, cassées en V sur leurs claviers qui cliquetaient dru comme des machines à coudre -Herr DLS, Midi, il y a une voix sous le bitume et quelques oiseaux morts qui cavernent à la gorge -Herr DLS, Cantique, que le réel nous flûte et que ce jour musique- les téléphones sonnaient sur toutes les clés possibles et ça feulait allô, foutredieu bougez-vous le réel est en rut, à midi sur la ville une grêle de tocsins fous qui glinguent à la volée et des trolées de messages disant tous la même chose se percutant cryptés dans les dédales du silicium. Où vis-tu aujourd'hui ? A Midi-les-écrans. La grande Machina-Null était en branle et elle gerbait du vide au rythme d'une DCA. Tchac tchac tchaque chose à faire ! Régler les moniteurs, imprimer des drapeaux, préparer les articles et la retranscription, prévenir le directeur des ventes et calibrer les pubs sur le discours à venir, on déléguait les tâches de Connard en Connard pour être recta prêts à midi pile et poil et tout le monde s'animait d'une vie intercessive uniquement dirigée vers les prières à venir, ordonnants ordonnés laisses et nuques à la fois, on était tous d'un bloc le chien et l'aboiement, alignés comme des pierres dans une grande pyramide de férules emboîtées. 



vendredi 16 mai 2014

Un pré polyphonique

Avisse à la population :
le quadrumvirat rédactionnel de Pré Carré (Dr. C, J. Meunier, J. Le Glatin et L.l de Mars) a donné à Du9 un entretien polyphonique sur la revue à lire ici.
Je contresigne l'intégralité des propos, surtout les méchants.




lundi 12 mai 2014

Sous le tropique du Pire

"La guerre grandit sous le tropique du Pire, elle a six ans et demi et la faim des enfants. Des combats ont eu lieu d'hier dans la ville de Rastuh entre les partisans du Président Karliotte et le groupe rebelle du CADOL épaulé par des milices extrémistes du Nord Seu/les observateurs internationaux ont annoncé cent soixante-dix-huit morts dont une moitié d'enfants et un quart de vieillards, mais à cette heure les médecins légistes de l'ONG Morts Sans Frontières restent incapables de déterminer l'identité des cadavres devant l'état de lacération avancée dont les chairs font/les bombardements continuent et sonnent les heures au tomahawk sur les beffrois de San/la crise orientale quant à elle ne fait que s'aggraver et le premier-ministre Arathi Madourak a décrété cette nuit l'état d'urgence pour cause d'émeute raciale, l'ethnie des Blizarka ayant été pourchassée jusqu'aux rives de la mer Sapou et pogromée sur place dans le sable et le/chef de guerre Garitoufi a déclaré hier à la radio d'Etat -"les bûchers sont certes peu modernes mais vu depuis la mort le feu n'a que la forme d'une cause"/la diplomatie Delasorte est d'ores et déjà sur place, à pied d'œuvre, pour vendre des armes aux deux partis, le premier contrat négocié avec l'armée régulière fait état d'une transaction à six chiffres et d'accords bilatéraux quant/plus à l'est, à Djarkou, trois attentats-suicides ont rougi le printemps et tavelé le soleil d'une aube supplémentaire/les négociations de paix orchestrées par l'Organisation Delasorte pour la Pacification Internationale ont une fois de plus échoué, les représentants des deux nations belligérantes refusant mutuellement de se reconnaître une quelconque légitimité inst/massacre religieux ironiquement baptisé bain de chair lustral/la mort double de rouge le rose du crépuscule/la guerre de Connardisation suit son cours."


Je sais que la mise en ligne dessert ces images (nouvelles infographies de la fin 2013), mais en attendant mieux, elles battront pavillon ici.

samedi 10 mai 2014

Des mesures sanitaires

"Des mesures sanitaires ont été annoncées hier par le département urbaniste du Consortium Delasorte Inc. : afin de réaliser au mieux l'assainissement de l'Allée des repos, des rues Poyave et Mercuriennes ainsi que des avenues Laborite et Jaquette, le troisième régiment des Troufions Mécanisés interviendra dans la semaine pour en vider les rats et tous les vagabonds. Une déviation sera donc mise en place de jeudi à dimanche pour laisser travailler l'armée et le service d'hygiène urbaine. Les rails et les anciens tunnels de la Petite Ceinture seront par ailleurs rasés et toute les anciennes voies désinfectées pour laisser place à un ambitieux projet architectural de monument aux morts géant, ceinturant la cité sur vingt-cinq kilomètres. Les urbanistes envisagent d'ériger un ossuaire circulaire reliant toutes les vieilles portes de la cité intra muros, et de raccorder les différents tombeaux commémoratifs par des toboggans. Autre annonce du Bureau Central de gestion militaire : nous rappelons à tous les citoyens du groupe gamma trente-six que leur stage de Connardisation annuel aura lieu dans huit jours à la caserne centrale d'Abject City sous la direction du commandant Bouliou."




jeudi 8 mai 2014

Et maintenant les nouvelles

"Et maintenant les nouvelles, elles sont juteuses comme de la viande : la Bourse est au beau fixe, il fait trente-cinq degrés sur les cours du Nasdaq, un léger décrochage de la Zyksteel&Wurst pour cause de downsizing a fait tomber de 30,6 points ses cotations d'actions, mais le lancement à l'exchange de ses nouveaux lingots de viande devrait d'après nos analystes financiers lui faire crever le plafond d'or au cours de la soirée ! Zyksteel&Wurst, pour une certaine idée du nerf, pour une certaine saveur du fer !
A déplorer : le suicide en masse de quinze mille employés de Banko Company mal classés au benchmark ; leur chair défénestrée a encombré l'Avenue Pantine durant une bonne demi-heure avant l'intervention de nos équipes de balayage mais le trafic reprend son cours lentement, petit ralentissement donc dans le Quartier des Affaires, le retour à la normale est prévu pour midi." Dans les tours et les rues les hauts-parleurs crachaient leur mélopée sucrée à 300 décibels et les voix matinales des speakers Delasorte tombaient sur les épaules en giboulée serrée -vox ordurière, crux à mille gorges, une seconde pesanteur violait la gravité, plombait les corps à bas et calibrait les crânes sous le pilon vocal. Le jour était en branle, il tirait vers le gris.

en cours...





lundi 5 mai 2014

Abject City, bonjour !

"Abject City bonjour ! Ici Patricia Queenita pour Channel DLS, bienvenue sur 94.0 FM ! Il est 8 heures et la lumière a mal, le jour est grand comme un bifteck et nous sommes ses rognons ! Aujourd'hui la température est d'environ dix-huit degrés celsius, le vent souffle sud-sud dans le dioxyde d'azote, le ciel est sans-abri et les oiseaux sont nus. Au nom de la Holding Delasorte&Sons je suis heureuse de vous accueillir dans cette journée nouvelle pleine de renoncements brûlants : nous sommes ici pour nous gâcher, nous sommes ensemble pour nous lacérer l'heure. Qui dit matin dit chien ! Debout la Communion ! Quelle heure est-il ? Celle qui tombe. La Cité brille, l'éveil est à refaire. Je vois déjà qui battent les boulevards et les bouches, il y a des abandons qui marchent et des hommes d'entropie, -j'affine un peu la mire, cache le lointain de la main, il y a des larves dans le béton et des gonds sur nos seuils. Bienvenue chez Delasorte. Baissez vos âmes, désarmez-vous, tranchez vos souffles et avant tout n'oubliez pas de mourir avant d'entrer."