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mercredi 28 mai 2014

Une silhouette à la chaux

 Une silhouette à la chaux émergea de partout. Sur les écrans télé, dans les vitrines et les verres d'eau, sur les fenêtres, aux miroirs, dans les rétroviseurs et même dans les ampoules, ce fut Herr Delasorte en pixels et en cap qui souriait dans le visible comme un grand pape en noir au fond d'un sémaphore. Sur les quatre faces livides du Building-Delasorte une éclipse voila le verre pendant quelques secondes, puis des centaines de projecteurs dispersés dans la ville s'allumèrent en synchro dans un pollen de flash pour mitrailler aux fenêtres son image en essaim ; point par point jusqu'au ciel il surgit en mille blocs d'un kilomètre et demi, campé sur la Cité comme un Saint-George colosse pantocrate et bâtard, les couilles hautes comme le ciel, les jambes à peine arquées comme pour pisser sur toute la vie. Il était vif et verre, c'était un gisant debout, une mort mobile faite image fixe ; enquillées sur deux cuisses de lin pâle à croisées, ses aines filaient en V à cinq-cent mètres du sol et son torse bien fileté s'affûtait quatre fois, opalescent et raide dans ses revers diaphanes, les bras collés aux hanches cintrés droit dans leur veste et surmontant son cou comme de la chaux dressée, son menton fondait gris dans la strate nuageuse. Sa face n'était qu'un gros coton et il restait son sourire seul, dessous, à fleur de rien, qui tranchait dans les blancs et suçait le bleu du ciel. 



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